CHARTE DE FONDATION DU BOURG DE MASLACQ (3 février 1298)

 

Traduction

 

[1]
Chose soit connue de tous que comme le noble Roger Bernard, comte de Foix, vicomte de Béarn et de Castelbon et la noble dame Marguerite, comtesse et vicomtesse de ces mêmes lieux, avaient à Maslacq, dans le Larbaig, vingt casaux questaux et censitaires ou davantage, et qu’une tractation avait eu lieu entre eux et les hommes qui étaient seigneurs de ces casaux afin de peupler Maslacq sous le régime de la franchise, du for et des coutumes de la ville de Morlaas, les dits seigneurs – promettant avoir, à ce sujet, l’assentiment de leur fils héritier Gaston – affranchirent ces casaux et les terres des casaux et les seigneurs et dames de ces casaux, enfants et légitimes, nés et à naître quand ils feront acte de s’établir (poblar), avec d’autres colons (poblans), dans ce lieu de Maslacq placé sous le régime du for et des coutumes de Morlaas. Et ils leur donnèrent plein pouvoir et franche autorisation d’y faire une enceinte comme il est fait dans les autres lieux peuplés au for de Morlaas. Et ils donnèrent à chacun des colons une place à bâtir de 13 arrases de large et de soixante arrases de longueur s’étendant entre la clôture de l’enceinte, vers l’arrière, et la voie charretière publique moyennant six deniers de sirmenage [« taxe d’habitation »]. Et ils donnèrent à chacun vingt journaux de terre destinées au labour, ou bien à faire des vignes, des vergers ou des prairies moyennant 8 sols de fief à verser chaque année à la Noël. Et ils leur donnèrent, en sus, deux cent journaux de terre qui restera herme, et vouée au pacage ; toutefois, s’ils prennent des terres sur ces deux cent journaux, ils devront payer un fief par journade au tarif des autres cens à la journade.

[2]
Et ils retinrent que les seigneurs comte et comtesse [exercent] droit et juridiction, service d’ost et d’alerte (orde) sur les colons quand ils quittent le Larbaig. Et [ils ont un] droit de vente sur les maisons et places et autres terres, vignes, vergers ou prairies, s’ils vendaient celle qu’ils ont peuplée, à savoir un droit de mutation (cappsol) d’un denier pour douze et au-delà d’un denier par sol autant que la somme monterait jusqu’à la limite de mille sous – mille deniers. Et les présentations [redevances coutumières en céréales] seront versées à leur serviteur (messadge) à Maslacq pendant trois jours. En cas de vente rémunérée de maisons, places et autres terres, terres ou vergers ou vignes, s’agissant de celle qu’ils ont peuplée, la vente est retenue pendant neuf jours, et à compter de là [le seigneur] perçoit le droit de mutation (capssol), à raison d’autant de deniers que le montant de la vente compte de sous [soit 1/12è]. [L’obligation de] l’orde hors du Larbaig, le droit de lods et ventes, et [le versement de] présentations sont retenus sans contradiction ni préjudice du for de Morlaas ni des autres cas, lesquels nous voulons qu’ils soient fermes et établis pour tout temps.

[3]
L’ensemble de terre susdit, qu’ils doivent donner aux colons (poblans), s’étend de la voie qui va de Chaudie à Muret, et en dessous toute la terre comprise entre le Laa et le Gave que le seigneur y possède, depuis le chemin Dugar vers l’intérieur. Et le nombre de colons doit être de cent. Et [les colons] doivent prendre [leurs terres] par rang vers le bas depuis Muret en sorte que, s’il se trouvait encore de la terre [disponible] une fois leur lot et leur part pris, que le reliquat situé vers l’aval reste à la seigneurie. [A l’inverse] si d’aventure le seigneur n’avait pas suffisamment de terre pour attribuer des lots complets, il doit leur donner de la terre située alentour, du mieux qu’il pourra le faire. Et lesdits poblans doivent à présent se présenter au nombre de cent. Et outre cela, ceux qui peupleront tout de suite doivent payer tout le cirmenage [taxe d’habitation] et tout le fief [cens] jusqu’à ce que les cent se soient présentés et aient pris possession de leurs places et de leurs terres comme les autres colons.
Le comte et la comtesse ont promis, de tenir, garantir et accomplir toutes les choses susdites et chacune d’elles en toute bonne foi. Et le comte en fit serment en posant sa main droite sur les Saints Evangiles de Dieu. De ceci sont témoins En Fortaner de Lescun seigneur d’Esgoerrebaque de Monein, En Gassion de Claverie, En Guilhem Arnaud de Parenties de Sauveterre, maître Brun notaire de Morlaas, Arnaud-Guilhem chapelain de Sainte Suzanne.
Fait à Orthez le lendemain de la Purification, l’an du Seigneur 1298, après le dimanche vieux en carême [le 3 février].

[4]
Ladite Dame, considérant, en pleine connaissance de cause, que la faible distance séparant l’enceinte de la ville et les maisons une fois bâties, pouvait s’avérer dangereuse pour les habitants en cas d’incendie ou pour d’autres raisons, la dite dame rallongea chacune des places à bâtir de 40 arrases au-delà des soixante arrases primitivement prévues entre l’enceinte et la rue publique. Et lesdits poblans se sont reconnus quittes et pourvus de cette extension. Témoins : En Guicharnaud de Barrère, frère Arnaud Guilhem de Morlaas, En Gassion de Claverie, N’ Arnaud de Saint-Christau, et Arnaud Beg, bayle d’Orthez. Moi maître Raymond d’Orthez, notaire à la cour de Béarn, présent à la concession de ces clauses, j’ai écrit et signé cette charte de concession desdits seigneurs, dame et messire le comte et comtesse. Pour lui donner plus de force, nous avons fait apposer nos sceaux sur la présente charte, en exprimant la volonté que, si l’un ou l’autre des deux sceaux étaient rompus et que les sceaux se détériorent en tout ou partie, que cette charte aie et conserve sa force et sa valeur comme instrument public bon et véritable. Donné et fait comme écrit ci-dessus.
 
 
  

Version béarnaise du 16ème siècle

 
Conegude cause sie a totz que cum lo noble Roger Bernad compte de Foix, vescompte de Bearn e de Castelbon, et la noble done Margaride comtesse e vescomtesse dequegs medixs locqs agossen a Maslac, en Larbag, vingt casaus questaus e seysaus (o) pluus, et tractament fos estat feyt enter los dicts senhors de une part eus homes senhors deusdits casaus, d’autre part, de poblar a Maslac a la franquesse e au for e a las costumas de la viele de Morlaas, losdicts senhors e done que prometon sober asso aber autrey de lor filh hereter Gaston, affranquin losdicts casaus e la terres deus casaus e los senhors e las daunes deusditcts caszaus, enfants e naturals, naz a naxer per totz temps quantz poblan ensemps ab autres poblans en lodit loc de Maslac a la franquesse e au for e a la costumes de Morlaas ; e los den plen poder e licencie franque de far claussure aixi cum los autres locxs poblatz au for de Morlaas ; et donaran a cascun poblant sengles places de cadre tredze arrazes de ample et de sixante arrazes de long enter lo barat darrer e la carrera publica, a sieys diners de cirmanadge per place ; e los donan cade vingt jornades de terre per laurar e vinhes e bergees o fears far a oeyt sos de fius per las vingt jornades quen fasen cade an cascun deus poblantz per nadau ; e los donaren plus dus cenz jornades de terre que los remangue herme per padoent ; pero si en tregen de queres dus cenz jornades, que de la treyte dessen fiu per jornade e segont que l’autre fius monte per jornade.
Et retengon que se losdits senhors comte e comtesse sober losdits poblantz dret e ley, host e orde quant de Larbag exiran, e bendes si lors maysons e places o terres autas, o vinhes o bergers o fears, la que poblat auren venen, so es assaver lo capsolz deus dodze diners ung diner, deus dus sos, dus deiners, et en aixi de qui en sus deu sol ung diner tant cum la some montare de mil sos mil deners ; et presentations a lor messadge a Maslac per ters die si maysons o places, o terres o bergees o vinhes o fears venen pagan se l’arthien per nau dies apres o prenen d’aqui abant lo capsso tantz deners cum la some de la bende conthie de sols. E l’orde exit ab Larbag et las vendes et las presentations dessus dictes se retenguen no contrestan ni prejudican au for de Morlaas e au autes caas, loquau volem que estos ferm e establit per totz temps.
La terre tote dessus dite que deben dar aus poblantz es de la bie que ba de Xaudies enta Mureg, et aqui en bag tote la terre qui es enter lo Lar e lo Gave qui lo senhor y ha, et [de] la bie Dugar en hens. Et deben esser los poblans cent. Et deben prener de Mureg en bag arrenc en tau maneyre que si se trobabe la terre lors sortz e partz preses, que en lo cap de bag armancos a la senhorie. Sy per abenture no habondave au senhor la terre per dar lors sortz complitz, que los ne deu dar lo senhor arront aquere ont lo melhor poyra. Et los ditz poblants ques deven ades mustrar cent et en quegt de mey que deven far tot lo cirmanadge et lo fiu los qui ades poblaran entro los cent se fossen mostratz e prees lors places et lors terres aixi cum aus autres poblantz. 

Totes lasdites causes e sengles prometon thier, fermar e complir losdits comte e comtessa a bone fe et lodit comte ac jura aus sanctz Evangelis de Diu de grat ab sa man dextre tocats. Testimonis son En Fortaner de Lascun, senhor d’Esgoarrabaca de Monenh, En Gassioo de Claveria, En Guillem Arnaud de Parenthies de Saubaterre, maeste Bruu, notari de Morlaas, Arnaud Guillem caperaa de Senta Susana. Feyt a Ortes lendoman de la Puriffication, anno domini Mo CCo XC octavo, apres dimenge bielh en Careme. 
Ladite done entendent de certe science que entro lo barat de la biele e las maysons quant feytes seren habe pauque distancie, et per foec o per autres causes pode esser cause perilhosa a ladite poblation, alarga cascune de las places quoarante arrazes part lasdites sixante arrazes dessus dictes enter lo barat et la carrera publique. Deuquau alargament losdits poblans son pagats e abondoos. Testimonis en Guixarnaud de Barere, fray Arnaud Guilhem de Morlaas, En Gassioo de Claverie, N Arnaut de Sent Xristau e arnalt Beg bayle d’Ortes. Jo maeste Ramon d’Ortes, notari a la cort de Bearn qui a lasdites causes autreyar present fu, escricu e senhe de queste carte de autrey deusdits senhor en done e mossentz comte e comtessa a mayor fermessa abem feyt pausar nostes sagets en la present carte, volentz que sils l’un o am dus se trencaben es assolaven en tot o en partide que la dite carte estes e remanses en sa force e en sa balor cum carte publicque bone e berage. Datum et actum ut supra.     
 

Benoît CURSENTE 
Historien
Directeur de Recherches au CNRS
25/05/2012